L’Edito de Coco #10 : Le football, ce vecteur incroyable de solidarité dans la douleur
Samedi 4 février 2017, quatre policiers sont accusés d’avoir agressé et violé Théo, jeune homme de 22 ans. Vous allez me demander – et à juste titre – quel est le rapport avec le football ? Mardi 7 février, le président de la République François Hollande se rend au chevet de Théo. Un cliché immortalisé le jour-même montre le jeune homme sur son lit d’hôpital revêtir un maillot de l’Inter de Milan. Grâce aux médias et aux réseaux sociaux, cette photo sera relayée jusqu’en Italie et plus précisément à Milan. Mercredi 8 février, l’Inter de Milan, touché par l’histoire de Théo, prend contact avec lui et souhaite l’inviter à un match et lui offrir un maillot officiel. Un geste fort qui peut néanmoins soulever quelques questions qui dérangent. Enquête.
Entre sincérité insouciante et buzz médiatique
L’exemple de Théo et de l’Inter Milan va parfaitement illustrer mes propos. De base, ce geste effectué est beau et particulièrement notable. Par cette proposition, le club italien apporte en plus son soutien à Théo. Du moins, c’est comme ça que le perçoit Théo. Parce qu’il serait malhonnête de dire que l’Inter n’est pas au courant que cette opération est également un très joli coup de communication, je m’explique.
Le geste est remarqué et les médias, quels qu’ils soient, le relayent avec une audience plus ou moins large. L’image du club ne peut ainsi qu’être améliorée et celui-ci en est bien conscient. Ensuite, toute personne qui apprend l’information par les médias peut aussi être soumise à la prise de position du média (bonne ou mauvaise) et être influencé. Les gestes comme ceux-ci peuvent alors tout à fait être opérés en fonction de l’interprétation des médias. C’est ce que l’on appelle un cercle vicieux.
L’exemple de l’homme agressé par les fans de Chelsea en février 2015 à Paris est identique. Pour resituer la scène dans son contexte, un homme souhaitait prendre le métro le soir du match Paris-Chelsea (1-1), pour le compte des huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Les fans de Chelsea, qui empruntaient le métro pour se rendre au stade, avaient empêché l’accès au métro à cet homme. Un acte entièrement raciste, comme l’avait prouvé ce chant entonné par ces mêmes fans : « We’re racist, we’re racist, and that’s the way we like it ! » (« On est raciste, on est raciste et on aime ça ! »).
La réaction du club anglais ne s’était pas fait attendre et avait fermement condamné ces actes et par la suite, avec l’aide de la justice, les individus en question. Pour se faire pardonner (et accessoirement redorer son image), le club anglais avait invité cet homme – Souleymane de son prénom – à l’occasion du match retour à Chelsea. Une proposition qui sera déclinée.
Un an plus tard, le club du Paris Saint-Germain invite également Souleymane au Parc des Princes à l’occasion d’un remake de Paris-Chelsea (2-0). Une proposition acceptée qui n’est pas pour se faire pardonner, mais plutôt par solidarité avec Souleymane… Ce qui m’amène à une autre question.
Faut-il attendre un drame pour faire preuve de solidarité ?
Mardi 29 novembre 2016, une terrible nouvelle endeuille la planète football. Chapecoense, club brésilien, est victime d’un crash d’avion, suite à une panne d’essence, alors qu’il s’apprêtait à disputer la finale aller de la Copa Sudamericana en Colombie. Le bilan est lourd : 71 morts et seulement 6 survivants dont 3 joueurs. Parmi les trois, seuls deux pourront rejouer au football, l’un ayant subi une amputation partielle de la jambe droite.
Par solidarité, l’Atlético Nacional, équipe adverse pour cette finale, demande à la Conmebol d’attribuer le titre à Chapecoense. Requête acceptée.
Ce trophée n’empêche pas l’immense chagrin de tout une ville, des proches des victimes et des amateurs de football, mais le geste réalisé par l’Atlético Nacional et la Conmebol est magnifique. A leur manière, ces deux institutions rendent un vibrant hommage aux victimes et s’associent à la douleur du club décimé.
En France, les attentats de Nice et de Paris ont également été sujets à une vague de solidarité au-delà de l’échelon national. Pour Nice, le club azuréen a rendu hommage aux victimes avec un cœur sur leur maillot portant le nom des 85 personnes ayant perdu la vie. Une minute de silence a aussi été observée dans chacun des stades de Ligue 1 lors de la première journée de championnat en août 2016.
Concernant Paris, le contexte est un peu plus particulier. Quatre jours après les attentats du 13 novembre 2015, l’Equipe de France se rendait en Angleterre pour disputer un match amical prévu de longue date. L’Angleterre a apporté son soutien à la France en publiant l’hymne français sur les écrans géants du stade afin qu’il soit entonné par les anglais. L’hommage a aussi été poignant en France puisque, lors de la journée suivante en Ligue 1, la Marseillaise a retenti dans chacun des stades. Et Saint-Etienne s’est particulièrement illustré en portant un maillot spécial en hommage aux victimes.
Alors, faut-il attendre un drame pour faire preuve de solidarité ? La réponse est oui. Aussi surprenant que cela puisse paraître. Mais la solidarité n’a-t-elle donc pas été conçue à partir de la notion d’assistance ?